Nicole : un handicap caché
Je crains que mon histoire de CI ne commence il y a bien longtemps déjà…
C'est simple, on m'avait surnommée arrêt-pipis lorsque j'étais enfant.
Puis comme adolescente, j'ai souffert de très fréquentes infections urinaires avérées, avec germes, donc antibiotiques. Par la suite, je me suis régulièrement plainte de symptômes de cystites mais les médecins consultés ne trouvaient plus trace d'infection et j'ai eu droit à toutes les explications possibles : faiblesse de la vessie à cause de ces nombreuses cystites, nervosité, petits calculs d'oxalates, « c'est dans la tête »…
Dès 2001, une fatigue inexplicable, les douleurs et les fréquences urinaires ont empirés, toujours sans être prises au sérieux par les médecins consultés. Enfin, lorsque la situation est devenue intenable, soit des années après le début des premiers symptômes, un urologue a enfin pris une mine intéressée en étudiant mon cas. Quelques semaines plus tard, à l'âge de 36 ans, une cystoscopie était réalisée, avec un diagnostique à la clef : CI.
Je me croyais arrivée au bout de mon parcours du combattant !
Un an a passé depuis ce diagnostique, le temps de réaliser à quel point cette maladie est méconnue en Europe. J'ai l'immense chance d'avoir un urologue très compréhensif, mais nombre de professionnels de la santé rencontrés entre-temps n'ont tout simplement aucune idée de l'existence de cette maladie.
Il est vrai que la CI est désarmante, même pour les malades.
Ma vie a changé depuis deux ans. Les périodes de crises se succèdent de façon plus ou moins rapprochées sans que je comprenne pourquoi (erreur de diète, fatigue, hasard ?) Au cours de ces crises, les fréquences urinaires peuvent atteindre plus de quatre-vingt en 24h, redescendant à une trentaine les bons jours. Ce seul symptôme est un terrible handicap dans la vie quotidienne. Il est nécessaire de planifier les rares déplacements en fonction des toilettes et les sorties deviennent réellement difficiles.
Aller chez le médecin, au cinéma, au concert, accompagner son enfant à un cours, se promener, sans parler du simple fait de faire ses courses, va de pair avec la pensée obsédante : « Où sont les toilettes, seront-elles accessibles, y arriverai-je avant que les douleurs ne soient devenues intolérables ?» Tout malade CI connaît les souffrances endurées lorsqu'il ne peut pas uriner, c'est comparable à une boule de lave incandescente à la place de la vessie…
Les fréquences et les douleurs importantes et chroniques font de cette maladie un véritable défi quotidien. Ces deux handicaps m'empêchent actuellement de travailler et ma simple vie de maman demande parfois des efforts considérables. Physiquement, car la marche et la plupart des activités sont très pénibles au cours des crises, sans parler du sommeil perturbé. Mais mentalement également car cette bataille n'est pas facile.
La CI est une maladie invisible et difficilement compréhensible pour les autres. Nous n'avons souvent pas mauvaise mine et un sourire permet de masquer ce que notre corps subit. D'autre part les symptômes vont et viennent : comment faire comprendre à l'entourage que hier, j'ai été capable de mener une journée pratiquement normale, peut-être même ai-je pu faire un peu de sport, mais qu'aujourd'hui je peine en faisant quelques pas, que je souffre et que je me sens misérable ? Il m'est difficile de planifier mes activités, la situation peut changer d'heure en heure et souvent ce n'est qu'au prix de grands efforts que je peux tenir mes engagements.
Un malade qui souffrait beaucoup a dit un jour que ce n'est pas parce qu'il avait l'air bien qu'il se sentait bien et je crois que nous sommes nombreuses à ne pas vouloir montrer ce que nous vivons, par fierté, pudeur ou désir de préserver nos proches. Il est pourtant important d'admettre le côté capricieux de la CI, autant pour les malades que pour son entourage.
Nous essayons toutes les traitements les plus divers, testons toutes les thérapies possibles et imaginables, susceptibles de nous soulager et pourtant il faut bien reconnaître qu'actuellement, aucune pilule miracle n'a été trouvée pour nous guérir. Mais la lucidité n'empêche pas l'espoir ! Il faut donc composer avec cette satanée maladie, profiter des bonnes périodes et ne pas baisser les bras.